Le désaccord entre les partis flamands et francophones sur l’avenir de la Belgique semble insurmontable. Si ce n’est pas la première fois que le pays traverse une crise politique, celle-ci semble aggravée par le manque de ressources démocratiques pour la surmonter. Tout se passe un peu comme si nous (les Wallons et les Bruxellois) ne comprenions pas vraiment ce qui était en train de se passer et étions, par conséquent, incapables d’entrevoir l’avenir. Comme si la peur de la fin de la Belgique nous empêchait de penser concrètement à l’avenir de la Belgique et des Régions qui la composent. Le présent abécédaire propose de contribuer à une meilleure compréhension de la situation actuelle en faisant notamment appel à l’histoire. Quelques fragments de la mosaïque belge pour tenter de la ressaisir dans sa globalité.


(Ce texte existe aussi en anglais : [->article796])

La politique belge n’est pas un long fleuve tranquille. En 1987, il avait déjà fallu 202 jours (du 19 octobre 1987 au 8 mai 1988) pour arracher un accord de gouvernement qui allait transformer radicalement le paysage institutionnel belge, en renforçant les pouvoirs économiques des Régions, en donnant aux Communautés la compétence de l’enseignement et en mettant réellement en place la Région bruxelloise. Les vacances sont finies, les enfants rentrent à l’école, mais plus de deux mois après les élections fédérales, les partis libéraux et chrétiens humanistes ne sont toujours pas parvenus à former un nouveau gouvernement. Et on semble encore très loin du compte. Les partis flamands sont les seuls à demander un renforcement du pouvoir des entités fédérées, ce qui réduit à quasiment rien toute possibilité de marchandage. Le face à face prend les apparences d’un différend quasiment insurmontable entre deux visions contradictoires de l’évolution de la Belgique.

Devons-nous nous résigner devant la montée du mur de l’incompréhension ? Comment parvenir à démêler les nœuds dans lesquels la démocratie belge est enserrée ? Ces questions ne concernent pas que les partis appelés à former le prochain gouvernement, mais bien l’ensemble des forces politiques et sociales. Car à mépriser l’ « institutionnel» comme une plomberie coupée de la réalité, chacun risque d’être rattrapé par la réalité politique, jusque dans sa vie quotidienne… Autant dès lors tenter de s’y retrouver un tant soit peu et tenter de dépasser les clichés et les idées reçues. Ce n’est pas nécessairement simple.

Pour les écologistes, la thématique est moins inhabituelle qu’on ne le pense. Ce sont notamment des militants wallons qui ont contribué à fonder Ecolo. Leur attachement à l’autogestion, leur refus de l’autoritarisme leur avaient fait croiser la route de ceux qui pensaient que la Wallonie était négligée par une Belgique centralisée, ses élites distantes et méprisantes. Aujourd’hui, le premier article des statuts d’Ecolo témoigne encore de cet engagement initial. Il reprend la démocratie politique et le fédéralisme comme les deux premiers idéaux des écologistes, juste avant… l’éco-développement.

Traditionnellement, les écologistes n’ont jamais apprécié les positionnements communautaires. Depuis leurs créations, Ecolo et Groen! ont toujours cherché à maintenir des liens au-delà de la frontière linguistique et tenté de cultiver un dialogue plutôt que de s’en tenir à de stériles confrontations.

C’est ainsi qu’en 1997, le regretté Wilfried Bervoets, qui était alors secrétaire politique d’Agalev était intervenu dans le tout premier forum des Etats Généraux de l’Ecologie Politique, organisé de manière symptomatique sur le thème de « Belgique, disparition d’une nation européenne ». Son exposé s’était conclu sur six questions.

Dix ans plus tard, elles restent d’une brûlante actualité et méritent d’être citées in extenso :

  1. y a-t-il, dans la population, une volonté politique de rester ensemble au sein d’une nation belge (si elle existe) ?
  2. y a-t-il une volonté politique, parmi les décideurs politiques et économiques, de faire fonctionner un État fédéral ?
  3. y a-t-il possibilité, soit de créer des partis fédéraux, soit de changer le système électoral, pour qu’il y ait élection ou sanction des personnes qui prennent des responsabilités au niveau fédéral ?
  4. sommes-nous d’accord pour remettre en cause le principe de non-hiérarchie des normes (c’est-à-dire des décrets et des lois) ?
  5. sommes-nous pour le droit de vote pour tous (reconnaissance du multiculturalisme) ?
  6. trouvons-nous indispensable que les ministres fédéraux connaissent les deux (ou trois) langues nationales ? Un ministre de la Justice ne connaissant qu’une seule langue poserait un problème psychologique énorme[[Wilfried Bervoets, Le contentieux institutionnel : réponses pour le 21e siècle, in Belgique, disparition d’une nation européenne ? ouvrage coordonné par Christophe Derenne et Colette De Troy, les Etats Généraux de l’Ecologie Politique, Editions Luc Pire, 1997, pp 45-52.]] ».

A l’époque Wilfried Bervoets concluait « Si, à ces six questions, il y a une majorité de réponses positives, nous pouvons continuer à faire vivre un Etat fédéral. Dans le cas contraire, il faudra regarder la réalité en face ».

Alors aujourd’hui, en cet été 2007, où en sommes-nous ?

Pour tenter de commencer à répondre à ces questions cruciales, on trouvera ci-dessous un mini abécédaire du différend communautaire belge… Il s’agit d’un exercice purement subjectif et « historiquement » daté (août 2007) qui n’a d’autre ambition que de tenter de débroussailler le maquis communautaire et d’éclaircir les termes du « débat ». Le choix des thèmes abordés est assumé comme totalement partiel et partial.

Appartenances

L’histoire politique de la Belgique a été lue en fonction de l’évolution de trois principaux clivages[[Xavier Mabille, Histoire politique de la Belgique, Facteurs et acteurs de changement, CRISP, Edition complétée de 1992.]] engendrés par la modernité industrielle : les clivages Eglise/Etat, possédants/travailleurs, centre/périphérie, ce dernier étant à la base du clivage linguistique et communautaire. Aujourd’hui encore, ils recouvrent des appartenances politiques, économiques et sociales différentes et conditionnent les programmes des partis, même si les positionnements se sont considérablement nuancés. Tout au long de l’histoire de la Belgique, leurs combinaisons variables ont imposé des compromis complexes garantissant une forme de perpétuation du système politique belge à travers ses réformes successives. A la fin du XXème et au début du XXIème siècle, le clivage communautaire prédomine de plus en plus la scène politique belge. Au point de faire passer régulièrement les autres clivages à l’arrière-plan. Dans une majorité fédérale, des partis appartenant à une même Communauté se sentent souvent plus proches que de ceux de l’autre Communauté, même s’ils se situent sur la même ligne du clivage confessionnel et/ou économique et social. Et puis, surtout, l’évolution de nos sociétés n’a-t-elle pas imposé une refonte de plus en plus profonde des clivages sociaux ? Le clivage Eglise/Etat est-il encore relevant ? Ne doit-on pas constater l’émergence d’un nouveau clivage autour de l’enjeu écologique ? Enfin, le clivage communautaire n’est-il pas appelé à être progressivement supplanté par un clivage régional déterminé par l’appartenance à des Régions territorialement distinctes ?

Belgique

L’Etat européen est né en 1830 de l’action convergente de forces internes (économiques, sociales et religieuses) et externes (les grandes puissances européennes). Le sentiment national n’y est pas aussi fort que dans d’autres pays européens. Cela n’a pas toujours été le cas. Par exemple, pendant et au sortir de la première guerre mondiale, suite à l’invasion prussienne. Au XIXème siècle, la Constitution du nouvel Etat, très démocratique pour son temps (même sans suffrage universel) fut également un objet de fierté patriotique[[E. Witte, E. Gubin et J.-P. Nandrin, G. Deneckere, Nouvelle Histoire de Belgique Col. 1 : 1830-1905, Complexe, 2005]] de la part de la bourgeoisie qui dominait le système politique. Actuellement, les divergences de vues entre partis flamands et francophones sur l’évolution des institutions belges rendent de plus en plus vraisemblable l’idée de la fin de la Belgique, du moins dans sa forme actuelle. On peut toutefois se demander si du côté francophone, la peur de la fin de la Belgique n’a pas pour fonction d’empêcher tout débat interne sur l’avenir de la Belgique, de la Wallonie et de Bruxelles, que ce soit dans le cadre actuel ou dans un cadre institutionnel différent.

Confédéralisme / fédéralisme

Ces deux mots sont censés distinguer les deux approches qui s’opposent quant à l’avenir institutionnel de la Belgique. Le 10 juin, 56,68 pc des électeurs flamands ont donné leurs voix pour des partis se disant « confédéralistes » voire séparatistes, en ce compris le CD&V, le parti du formateur et éventuellement futur premier ministre, Yves Leterme. Qu’entend-on par là en Belgique ? Pour le CD&V (position exprimée en conférence de presse en mars 2007) transformer la Belgique en Etat confédéral reviendrait à la faire co-gérer par la Région flamande et la Région wallonne. La Région bruxelloise serait également co-gérée par les deux autres Régions tout en conservant certaines de ses compétences actuelles. Cette transformation se ferait notamment via la modification de l’article 35 de la Constitution. Elle confierait aux Régions ce qu’on appelle les compétences résiduelles, qui deviendraient les compétences qui ne sont pas explicitement attribuées à l’Etat fédéral. Les partis francophones jugent que le confédéralisme est l’antichambre du séparatisme et donc de l’éclatement de la Belgique. Ils défendent le maintien d’une Belgique fédérale, ce qu’elle est devenue en 1993, lorsque la première phrase de l’ancien article premier de notre Constitution, “La Belgique est divisée en provinces”, est devenue “La Belgique est un État fédéral qui se compose des Communautéss et des Régions”. Par comparaison, l’article 1 de la constitution suisse affirme sous le titre « Confédération suisse » que « le peuple suisse et les cantons de Zurich, de Berne, de Lucerne, d’Uri, de Schwyz, d’Obwald et de Nidwald, de Glaris, de Zoug, de Fribourg, de Soleure, de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne, de Schaffhouse, d’Appenzell Rhodes-Extérieures et d’Appenzell Rhodes-Intérieures, de Saint-Gall, des Grisons, d’Argovie, de Thurgovie, du Tessin, de Vaud, du Valais, de Neuchâtel, de Genève et du Jura forment la Confédération suisse ». Paradoxalement, la Suisse est d’ailleurs plus une fédération qu’une confédération. Elle dispose ainsi d’un niveau fédéral qui chapeaute l’édifice institutionnel suisse.

Différend

L’évolution institutionnelle belge est le résultat de compromis entre des visions complètement divergentes. Elle ne résulte pas d’un projet d’ensemble pré-établi. La volonté flamande de privilégier le développement de Communautéss chargées de mener des politiques culturelles et surtout linguistiques spécifiques a été confrontée à la volonté wallonne de se doter d’instruments économiques de nature à redresser l’économie wallonne. Il a fallu également tenir compte du caractère bilingue du territoire de la Région bruxelloise. La rencontre de ces différences a permis le développement d’un système institutionnel original caractérisé par la coexistence de Communautés et de Régions. Le différend est renforcé par l’absence de partis et/ou d’élus fédéraux ainsi que d’un espace médiatique commun à tous les Belges où ces positions pourraient être débattues.

Europe

Au cœur de l’Europe, la Belgique s’est souvent pensée comme un modèle pour celle-ci. La Belgique serait une « mini-Europe ». Comme le dit l’essayiste Geert Van Istendael, « Europa zal Belgisch zijn of zal niet zijn »[[“L’Europe sera belge ou ne sera pas », Geert van Istendael, Het Belgisch Labyrint, De Arbeiderspers, 2005, p. 291.]]. Le destin européen de la Belgique est un thème ancien. Dès le 19ème siècle, il est présent dans la conscience des fondateurs de la Belgique… Aujourd’hui encore, certains Belges, européens convaincus, se demandent pourquoi vouloir tenter de construire l’Europe « si nous ne sommes pas capables de construire la Belgique ». Combiner centralisation et décentralisation, identités et solidarités, construire un espace public commun où les points de vue différents dialoguent : autant de défis communs à l’Europe et à la Belgique. Avec (au moins) une grosse différence : le processus européen va dans le sens d’une intégration (certes laborieuse) tandis que le processus belge va, pour le moment, dans le sens d’une lente et (apparemment inexorable) dissociation.

Frontière

C’est en 1962 que fut définitivement fixée la frontière linguistique. La loi consacra alors l’unilinguisme en matière administrative en Flandre et en Wallonie et le bilinguisme dans la Région bruxelloise. Dans un certain nombre de communes de ces Régions unilingues, existe un régime dit de facilités qui permet de disposer de services administratifs dans la langue de la minorité. L’intangibilité de la frontière linguistique, comme une frontière d’Etat, était une revendication flamande dictée par la crainte de voir le nombre de communes à statut bilingue augmenter (c’est la crainte de la « tâche d’huile » dans la périphérie bruxelloise). Le nombre de communes bruxelloises bilingues est ainsi passé en 1954 de 16 à 19 suite au recensement linguistique de 1947. Les partis flamands ont toujours craint que ce mouvement ne se poursuive et ont obtenu l’arrêt des recensements et la fixation de la frontière linguistique. Au contraire, les partis francophones menacent de demander l’élargissement de la Région bruxelloise aux six communes à facilité dans lesquelles les francophones sont d’ores et déjà majoritaires. La revendication flamande de scission de l’arrondissement de Bruxelles-Halle-Vilvorde vise également à garantir l’homogénéité linguistique de la Flandre. Aux élections du 10 juin 2007, les partis francophones ont obtenu davantage de voix dans la périphérie bruxelloise qu’en 2003 (environ 20 pc dans les cantons de Hal-Vilvorde par rapport à 16 pc en 2003). Même tendance dans la Région bruxelloise (88,5 pc contre 84,9 pc).

Gouvernement (paritaire)

L’article 99 de la constitution stipule qu’il y a au sein du gouvernement fédéral autant de ministres d’expression française que d’expression néerlandaise, « le Premier ministre éventuellement excepté ». Aux yeux des partis flamands, il s’agit d’une « concession », la population de langue néerlandaise étant majoritaire dans le pays. La même règle de parité est d’application au sein du gouvernement de la Région bruxelloise où les voix exprimées pour des candidats néerlandophones ne représentent pas plus de 11,5 pc de la population (élections du 10 juin 2007). Le gouvernement fédéral belge (avec le gouvernement bruxellois) est l’un des derniers lieux où les partis qui sont organisés sur une base communautaire sont amenés à négocier et à gouverner ensemble. Au cours des dernières législatures, des lignes de clivages communautaires sont apparues dans tous les dossiers, faisant de la politique fédérale un exercice de plus en plus délicat.

Hiérarchie (des normes)

Si elle existe en Belgique, elle est strictement limitée. Un décret communautaire ou régional, de même qu’une loi doivent respecter la constitution belge qui constitue donc une norme supérieure. On ne peut pas dire la même chose des lois et des décrets. Il n’y a aucun lien hiérarchique entre eux, mais au contraire une stricte égalité. On parle à cet égard d’équipollence des normes. Par ailleurs, les sphères de compétences de chacune des entités qui émettent ces normes doivent être respectées, ce qui n’est pas toujours évident. L’équipollence est généralement considérée comme la conséquence du caractère minoritaire des Wallons au sein de l’Etat belge et leur volonté de ne pas se voir imposer des normes par la majorité flamande. Mais dans le cadre de la problématique des nuisances sonores provoquées par l’aéroport de Zaventem, on a vu aussi plus récemment que la Région bruxelloise peut édicter des normes qui peuvent entrer en conflit avec les normes fédérales, sans que le fédéral soit en mesure d’imposer son point de vue à la Région bruxelloise. En l’absence de norme supérieure, les entités fédérées sont donc appelées à coopérer. Certains constitutionnalistes estiment que cette absence de hiérarchie des normes est un trait typiquement confédéral de notre système qui est pourtant réputé fédéral.

Identités

Définissent un individu ou un groupe par rapport à un autre. Parfois décriées comme meurtrières[[Amin MAALOUF, Les identités meurtrières, Grasset, 1998.]], en référence aux utilisations criminelles qui en ont été faites tout au long du XXème siècle, de l’extermination des juifs au génocide rwandais en passant par la purification ethnique en ex-Yougoslavie. Mais on peut aussi se demander si une politique sans affirmation de différences est possible, pourvu que celle-ci ne soit pas source de hiérarchisation et d’exclusion. Philippe Destatte, le directeur de l’Institut Jules Destrée, propose une identité wallonne qui soit « une identité politique ouverte, respectueuse des personnes, participative et citoyenne, pluraliste et permettant d’autres affiliations »[[Philippe DESTATTE, L’Identité wallonne : une volonté de participer plutôt qu’un sentiment d’appartenance. Contribution ]]. Il ajoute : « Cette identité consistera ainsi davantage en une volonté de participer au projet qu’en un sentiment d’appartenance ». Le Manifeste pour la Culture Wallonne[[Voir www.Toudi.org]] signé en 1984 par des intellectuels et créateurs wallons affirmait simplement « sont de Wallonie sans réserve tous ceux qui vivent, travaillent, dans l’espace wallon. Sont de Wallonie toutes les pensées et toutes les croyances respectueuses de l’homme, sans exclusive. En tant que communauté simplement humaine, la Wallonie veut émerger dans une appropriation de soi qui sera aussi ouverture sur le monde ». Identités européenne, belge, francophone, wallonne peuvent très bien coexister au niveau d’une même personne. L’identité peut favoriser le dialogue, l’ouverture à l’autre, parce que celui-ci peut reconnaître, identifier, l’origine le lieu depuis lequel parle celui qui s’adresse à lui. En 2003, un collectif d’intellectuels bruxellois a à son tour publié un manifeste[[www.manifestobru.be]] appelant à la prise en compte d’une réalité bruxelloise multiculturelle et multilingue. Selon les signataires, le clivage communautaire et linguistique est dépassé dans les faits et les institutions qui ont été construites sur sa base ne permettent plus de rencontrer les besoins réels de la population bruxelloise.

Journaux

Les médias jouent un rôle clé dans la question communautaire belge. Tout comme les partis politiques, ils sont rigoureusement divisés en fonction des appartenances communautaires, à l’exception notoire de l’Agence Belga qui reste le dernier média national belge. Les médias exercent ainsi une double fonction : informer leur communauté et en même temps en être leur porte-parole. Les éditorialistes flamands ont joué un rôle important dans l’émergence du mouvement flamand, notamment en exerçant une pression plus ou moins soutenue sur les politiques tandis que les éditorialistes francophones amplifient parfois une forme d’incompréhension de l’opinion francophone à l’égard de l’évolution flamande. Ces dernières années ont vu l’émergence d’une prise de conscience du cloisonnement étanche qui séparait les opinions publiques flamande et francophone. Cette séparation a pour effet qu’en Flandre, les médias ne parlent pas des mêmes objets politiques que dans la partie francophone du pays et quand ils parlent des mêmes objets, c’est pour en dire des choses très différentes. Les hommes politiques fédéraux ne vont pas souvent s’exprimer sur les chaînes de télévision de l’autre Communauté, par désintérêt électoral ou parce qu’ils ne sont pas nombreux à maîtriser la langue de l’autre Communauté, singulièrement du côté francophone. Ces dernières années, des initiatives se sont multipliées pour croiser les points de vue et renouer le dialogue, notamment à l’initiative du Fonds Prince Philippe[[Voir www.monarchie.be/fr/initiatives/filip – Voir également David D’Hondt « Flandre et Communauté Wallonie-Bruxelles : le fossé médiatique se creuse », La Revue Nouvelle Avril 2007 n°4.]].

Katastrophe

Le 13 décembre 2006, la chaîne de service public RTBF a diffusé une émission annonçant l’indépendance de la Flandre, en mettant au service de la fiction les apparences (certes grossières) de la réalité. Un grand nombre de téléspectateurs y ont cru, ce qui indique au moins deux choses : 1. que le scénario apparaît comme étant vraisemblable. 2. que le niveau de connaissance et de compréhension politique de ce qui se passe en Flandre n’est pas élevé. Cette crédulité a par ailleurs suscité un certain stress chez nombre de téléspectateurs. A leurs yeux, la fin de la Belgique serait une véritable catastrophe. Il y a donc une permanence de l’attachement « national » à la Belgique au sein de la population francophone. Il est cependant difficile de mesurer quelle est son ampleur. Le décès du Roi Baudouin a montré qu’il pouvait s’exprimer de manière aussi massive que spontanée. En revanche, on ne peut pas dire que les manifestations unitaristes aient jamais rencontré de succès[[Le 31 mars 1963, la manifestation organisée par le Mouvement pour l’Unité du Pays fut un demi-échec. De même, les partis unitaristes n’ont jamais recueilli le moindre succès électoral. ]]. Si un « sentiment national belge » se manifeste parfois de manière aussi forte qu’imprévisible, il n’a jusqu’ici pas vraiment trouvé d’expression politique solide.

Langues

Dans leur version initiale, les conflits communautaires étaient des conflits sur l’usage des langues. L’histoire de Belgique au XIXème siècle est marquée par une volonté centralisatrice d’imposer le français dans tout le pays alors que dès 1830, l’écrasante majorité de la population ne parle pas cette langue. Au sortir de l’occupation française en 1814, les corporations bruxelloises protestent (en français parce que c’est la langue des dominants) contre le maintien des règles linguistiques françaises : « La proscription de la langue nationale flamande doit cesser. L’idiome, les lois et les institutions des peuples de la Belgique doivent renaître avec le bonheur de ce pays »[[Cité par Van Istendael, page 19.]]. A la fin du XVIIIème siècle, Bruxelles ne compte que 15 pc de francophones. Mais en 1830, la ville n’est encore peuplée que par 100.000 habitants. La croissance de la population de la capitale et sa francisation vont de pair, même si cette dernière s’est accélérée à la fin du XXème siècle. Apprendre le français est souvent un moyen de promotion sociale. Il s’agit de franchir la « sociale taalgrens», la frontière linguistique sociale qui segmente la société. Inversement, avec le temps, la frontière linguistique se transforme de plus en plus en une frontière culturelle et communautaire qui sépare deux espaces publics. Tout comme la langue flamande, la langue wallonne subira de plein fouet la domination politique et sociale du français. Mais cela ne génèrera pas de mouvement de défense de même en ampleur, peut-être du fait de la proximité du wallon avec le français.

Minoritaires/majoritaires

Type de rapport social entre groupes de populations rivales qu’on retrouve dans de nombreuses parties du monde. Les minoritaires se sentent opprimés et perçoivent cette domination comme contraire à leurs intérêts. En retour, les majoritaires jugent que les minoritaires en font trop pour la défense de leurs intérêts et de leurs spécificités. Les Canadiens anglophones jugent par exemple que les Québécois francophones poussent le bouchon un peu loin dans la défense de leur langue. Il y a en l’occurrence quelque chose de toujours un peu tatillon voire mesquin dans la défense des minoritaires qui ne les rend pas nécessairement sympathiques. Pas seulement en Belgique. La particularité belge est que le rapport majoritaires/minoritaires s’y trouve en quelque sorte inversé, du moins au niveau de la perception. Les Flamands, quoique majoritaires démographiquement, se sont comportés le plus souvent comme des minoritaires, en adoptant des stratégies plus ou moins construites de présence dans les rouages de l’Etat fédéral tandis que les francophones se percevaient d’abord comme «majoritaires» et négligeaient de tenir compte de la réalité des rapports de forces, ce qui leur a souvent coûté très cher. Ces dernières années, on peut cependant estimer que les francophones ont commencé à prendre réellement conscience qu’ils étaient minoritaires dans l’Etat belge. Mais comme en atteste l’émission de la RTBf du 13 décembre 2006, cela se traduit encore généralement par des comportements de type victimaire.

Nations

Le 19ème siècle aura été marqué par une modernisation politique et industrielle des états européens qui s’est notamment caractérisée par une centralisation du fonctionnement politique. Dans les Etats libéraux modernes, la nation est la base de la légitimité. La Constitution belge dit que tout pouvoir émane de la Nation. La création de la Belgique comme nouvel Etat en 1830 a été marquée, de l’aveu-même de ses pères fondateurs, par la création du sentiment national belge[[« Le sentiment de l’unité nationale est né de nos jours », dira Nothomb. cité par E. Witte, E. Gubin et J.-P. Nandrin, p. 101.]]. La «nationalisation » de la Belgique sera l’œuvre des gouvernements belges au 19ème siècle. Dans un premier temps, la revendication de reconnaissance de la langue flamande s’intègre totalement dans le patriotisme belge. Mais progressivement émerge un nationalisme flamand, notamment en réaction aux réticences des autorités belges à reconnaître la langue flamande. Plutôt que de différend communautaire, ne devrait-on pas parler d’un différend entre un nationalisme belge (aux contours incertains) et d’un nationalisme flamand ? Il n’y a en tout cas pas de véritable nationalisme wallon. Les Wallons ont en effet renoncé
«à la constitution d’une Communautés nationale wallonne, au profit d’une identification des habitants à un territoire générant les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous ceux qui y résident, au nom des valeurs mises en avant et destinées à assurer la cohésion sociale». La Wallonie est-elle une nation ? Non, en tout cas pas dans sa forme actuelle. Comme le dit Philippe Destatte, « la méfiance de ses habitants à l’égard du phénomène national observé en Flandre et mettant en péril l’Etat belge commun, l’absence de réponse au morcellement politique provincial et municipal accentué par la structure des médias et le poids de la France ont empêché l’éclosion d’une dynamique nationale wallonne tangible et durable ».

Opacité

La complexité des institutions politiques belges est souvent décriée. Certains n’hésitent pas à la juger artificielle. Comme si les responsables politiques s’étaient échinés à rendre complexe une situation simple. Comme si les problèmes institutionnels étaient créés de toutes pièces pour justifier une inflation des mandats et des fonctions, en dehors de toute utilité. Plusieurs arguments peuvent être opposés à ces thèses souvent entendues. Le premier est que les hommes politiques qui effectuent ces réformes tirent tous leur légitimité du suffrage universel et qu’il revient aux électeurs d’éventuellement les sanctionner s’ils n’approuvent pas leur action, notamment sur le plan institutionnel. Cela ne s’est encore jamais produit. Les partis ont été plus souvent sanctionnés pour leur manque supposé de fermeté dans les négociations communautaires. En outre, la complexité des solutions institutionnelles n’est bien souvent que la conséquence de la complexité de la situation sociale. Il a fallu des institutions complexes pour rendre par exemple justice à la complexité d’une Région bruxelloise qui fait office de capitale fédérale et communautaire alors qu’elle se situe en territoire flamand et qu’une minorité très réduite de sa population est néerlandophone. Ceci dit, on peut considérer que le processus institutionnel a souffert d’un déficit de participation démocratique. La crainte des déchirements que pourrait provoquer un référendum aux résultats variables selon les Communautéss n’y est pas étrangère. Mais on doit aussi pointer du doigt la confusion qu’entretient dans l’esprit de l’électeur le fait que des représentants régionaux se présentent à des élections fédérales et inversement. La complexité des institutions belges et singulièrement des institutions bruxelloises n’est donc sans doute que transitoire. Ne procédant pas d’une vision d’ensemble préalable, elle est le fruit d’un pragmatisme institutionnel dont il n’y a pas lieu de tirer nécessairement gloire et qui pourrait gagner en lisibilité.

Pavia

Nom d’un collectif d’intellectuels réunis autour du philosophe Philippe Van Parijs et du sociologue Kris Deschouwer proposant l’élection de 15 députés (sur 150) fédéraux se présentant dans une circonscription unique couvrant l’ensemble du territoire de la Belgique. Leur objectif est de renforcer la légitimité des décisions prises au niveau fédéral en exposant les politiques qui les prennent à la sanction de l’ensemble des électeurs et pas seulement à celle des électeurs de leur Communautés. La proposition vise également à renforcer la dynamique fédérale en amenant les partis organisés actuellement sur base communautaire à collaborer en présentant des listes communes. Elle n’impose cependant pas la fusion de ces partis. Cette proposition pourrait également s’appliquer au niveau européen où l’on pourrait également concevoir qu’une partie des députés européens soient élus sur des listes présentées dans l’ensemble de l’Union. Là aussi, une telle réforme renforcerait la dynamique fédérale. Actuellement, seuls les écologistes francophones ont déposé une proposition de loi qui va dans le sens de la proposition de Pavia (elle propose, elle, l’élection de 50 députés dans une circonscription unique). Cependant de plus en plus de représentants politiques au nord comme au sud du pays ont exprimé leur intérêt pour elle. L’ancien Premier ministre Jean-Luc Dehaene a toutefois été assez sévère. « Et aujourd’hui, on voudrait nous proposer une circonscription unique, en décidant à l’avance du nombre de sièges attribués aux francophones et aux Flamands? Au revoir et merci, hein! » « …Je n’ai jamais vu en Wallonie ou à Bruxelles des francophones qui ouvraient un journal flamand! S’ils avaient eu aussi cette tradition de bilinguisme, l’image du pays en serait modifiée. Je constate qu’une nouvelle génération d’hommes politiques en Flandre ne parle plus le français. Bientôt, nos négociations gouvernementales se dérouleront en anglais! Là encore, les efforts réalisés par les francophones qui, comme vous, s’expriment de plus en plus en néerlandais, arrivent en fait quarante ans trop tard…[[Le Soir, 3 août 2007]]»

Quatrième Région ?

D’abord troisième Communauté : la Communauté germanophone regroupe les habitants des neuf communes germanophones de l’est de la Belgique, soit environ 71.500 personnes dont la plupart ont l’allemand pour langue maternelle. Ils sont souvent présentés comme les « derniers Belges », peut-être parce qu’ils ont su trouver progressivement une vraie place dans l’évolution du système fédéral belge. La Communauté germanophone a également tiré parti de sa position géographique en développant des liens étroits avec les régions proches de l’Allemagne et des Pays-Bas au sein de l’Eurégio Meuse-Rhin ainsi qu’avec le Grand Duché de Luxembourg. Bien que territorialement intégrée à la Région wallonne, la Communauté germanophone tendrait à acquérir progressivement le statut de Région à part entière. Le 29 avril 2002, le parlement de la Communauté germanophone a en tout cas approuvé une résolution en faveur du transfert des compétences (actuellement exercées par la Région wallonne) de l’aménagement du territoire, du logement, de l’agriculture, des pouvoirs subordonnés et des routes.

Régionalisme

Initialement, ce sont des Wallons qui ont mis l’accent sur la notion de Région. Il fallait doter la Wallonie d’outils de politique économique pour effectuer les réformes indispensables au redressement économique. Avec les grèves de l’hiver ’60, émerge autour de la figure d’André Renard, leader syndical FGTB liégeois, un mouvement qui combine revendications sociales, économiques et politiques. La dimension culturelle est présente dans le renardisme, mais c’est avec le Manifeste pour la Culture wallonne qu’elle devient réellement une priorité du mouvement wallon. A l’inverse, certains défenseurs de la Communauté française ont soutenu l’idée d’une fusion de la Région wallonne et de la Communauté française. C’est la thèse de la « nation francophone » défendue en son temps par le président du PRL, Jean Gol et tous ceux qui accusent généralement les régionalistes de vouloir se « replier » sur l’identité wallonne. Ces dernières années, un régionalisme bruxellois est apparu, singulièrement au travers de l’association « Manifesto » qui prône la mise en ouvre de politiques d’enseignement et de culture adaptées aux besoins de la Région bruxelloise. Les régionalistes wallons et bruxellois privilégient une construction institutionnelle basée sur trois régions bénéficiant du même niveau d’autonomie et de compétences. Le mouvement flamand a toujours opté pour un modèle à deux composantes principales, la Flandre et la Wallonie appelées à co-gérer la Région bruxelloise.

Solidarité

Notion à laquelle il est souvent fait référence dans le débat communautaire belge. Etre solidaire de quelqu’un signifie se sentir co-responsable de son destin et accepter de lui venir en aide. Cette solidarité peut être fondée sur un engagement explicite (un contrat), une appartenance commune à une entité sociale ou politique plus ou moins large (une nation, une Communauté, une Région, une ethnie, une classe sociale, une religion.). Traditionnellement, dans un Etat-nation, la solidarité entre citoyens n’est pas remise en question. Il est communément accepté que les citoyens défavorisés bénéficient de transferts de la part de citoyens mieux lotis, que ce soit sous la forme de services publics financés par l’impôt ou via la sécurité sociale, sous la forme de cotisations sociales, étant entendu qu’une réciprocité est attendue de leur part, le jour où ils sont en mesure de rendre tout ou partie de ce qu’ils ont reçu. Mais cette obligation si elle est absolue en droit, ne l’est pas nécessairement en pratique. Personne ne peut jamais être exclu du bénéfice de la solidarité au motif qu’il ne pourrait pas rendre l’équivalent de ce qu’il a reçu, parce qu’il appartient à une entité commune et que cela suffit à justifier absolument ses droits et ses devoirs en matière de solidarité. Dans la plupart des Etats fédéraux, les transferts financiers entre citoyens et entre régions sont fréquents et ne souffrent pas de contestation. En Belgique, ce n’est pas vraiment le cas. Progressivement, la solidarité interpersonnelle inconditionnelle, telle qu’elle a été concrétisée dans le cadre de la sécurité sociale a perdu en légitimité, surtout du point de vue flamand, au profit d’une conception inter-régionale de la solidarité. De ce point de vue, la majorité des partis flamands soutiennent que la manière dont la solidarité est actuellement organisée ne permet pas à la Wallonie de se redresser et qu’elle doit être liée à un système de « responsabilisation » censé garantir que les transferts entre le nord et le sud servent réellement au redressement de la situation wallonne. Même si aucun politique francophone n’a jamais vraiment défendu cette position en public, la position francophone « moyenne » assimile cette position à une manière de changer les règles du jeu en cours de partie et à une négation des transferts qui allaient de la Wallonie vers la Flandre jusque dans les années ’60. En écho, le mouvement flamand minimise généralement l’ampleur de ces transferts et répond qu’ils ont été payés par la non-reconnaissance des droits culturels flamands.

Transferts

L’application de la solidarité implique qu’il y ait des transferts entre membres d’une même entité politique. Pour qu’ils s’arrêtent, il faudrait que tous ses membres contribuent et perçoivent le même niveau de ressources et de dépenses, ce qui est théoriquement possible, mais ne se rencontre guère dans la réalité. Ou alors on pourrait imaginer une politique totalement inégalitaire sans le moindre mode de redistribution. Peut-être certains y pensent-ils. Mais pour l’heure, en Belgique, on peut distinguer deux grands types de transferts qui correspondent d’ailleurs aux deux grandes conceptions de la solidarité (interpersonnelle et inter-Régionale) évoquées ci-avant. Il y a d’une part les transferts entre personnes qu’on retrouve à la base de la sécurité sociale et d’autre part, les transferts entre Régions et Communautés qui s’effectuent via la fiscalité ou la parafiscalité fédérale fédérale comme la TVA, l’Impôt des Personnes Physiques ou des Sociétés, telle qu’elle peut s’exprimer par exemple dans le mécanisme de la loi de financement des Communautés et des Régions de 1989. Il est clair qu’à l’heure actuelle, ce que la Wallonie et Bruxelles reçoivent est supérieur à leur contribution, l’inverse étant vrai pour la Flandre. Mais (une fois encore) il s’agit-là d’un phénomène que l’on rencontre dans tous les Etats fédéraux. Les transferts qui existent entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles ne sont proportionnellement pas plus importants que ceux qui se produisent dans d’autres Etats. Mais dans ceux-ci, cela se fait dans un consensus plus important qu’en Belgique. D’autres Etats européens connaissent cependant des tensions comparables entre leurs régions contributrices nettes et leurs bénéficiaires, les premières, dans un contexte de plus en plus compétitif, étant tentées d’appliquer le principe du « juste retour » en fonction duquel elles prétendent obtenir au moins l’équivalent de leur contribution au financement collectif. Généralement, les transferts sont abordés sous un angle essentiellement économique où il s’agit de maximiser les avantages pour chacun des participants. C’est ignorer qu’ils ont également une dimension très symbolique et qu’il faut tenir compte des images qui se créent dans ces échanges. Donner n’est pas seulement donner, c’est aussi créer des jeux complexes et subtiles d’obligations, d’images et de reconnaissances que l’anthropologie peut nous aider à décoder[[Voir Benoît Lechat, Sortir de la fosse aux Wallons, La Revue Nouvelle, Août 2004]].

Union

La devise nationale de la Belgique est « L’Union fait la force ». Aujourd’hui encore, un sondage montrerait certainement que la plupart des Belges croient qu’elle désigne l’union entre les francophones et les Flamands, ce qui tout autant que l’incapacité de certains à entonner l’hymne national, attesterait assurément de l’ignorance des Belges quant à leur propre histoire. Car bien sûr la devise ne fait aucunement référence à un dépassement des tensions communautaires ou linguistiques. Au moment de la création de l’Etat belge, celles-ci n’existaient tout simplement pas ou alors uniquement de manière latente. Le clivage qui dominait alors une classe politique que le suffrage censitaire réduisait à représenter la bourgeoisie possédante, généralement francophone, séparait les libéraux et les catholiques sur la place à concéder à l’Eglise dans les affaires publiques et singulièrement l’enseignement. Ayant retenu les leçons de l’échec de la révolution brabançonne de 1789, ils résolurent de réunir leurs forces contre l’ennemi commun en la personne du pouvoir royal hollandais. Cette alliance donna le jour à l’Unionisme, courant politique qui dirigea la Belgique jusqu’en 1839. Cette union que l’on retrouve dans la devise belge désigne donc initialement l’alliance des libéraux et des catholiques. Le paradoxe, c’est que tout au long de son histoire la Belgique aura tendance à réaliser des compromis qui loin de réaliser des synthèses entre les tendances politiques ou sociales contradictoires, organisera leur coexistence certes pacifique mais cloisonnée, comme l’enseignement ou le système hospitalier en offrent l’illustration. L’union à la belge, c’est un peu l’organisation du chacun chez soi.

Violence

Par comparaison avec les très nombreux civils qui furent victimes de la répression des forces de l’ordre belges pendant les luttes sociales de la fin du XIXème siècle (et jusque dans la deuxième partie du XXème siècle), les rapports communautaires belges n’ont heureusement jamais été beaucoup marqué par la violence physique. Certes les Fourons ont été le théâtre pendant les années ’80 de manifestations très agressives de la part de militants flamingants. Certes, en 1970, un militant du FDF, Jacques Georgin fut battu à mort par des militants d’une organisation flamingante d’extrême droite. Mais jusqu’ici, les conflits ont toujours été réglés de manière pacifique, ce qui est loin d’être le cas dans d’autres pays marqués par des conflits nationaux. En revanche, le contentieux communautaire belge peut être source d’une violence symbolique. Pas seulement quand des manifestants flamingants brûlent des drapeaux belges. Mais par exemple quand des journaux d’une Communauté dépeignent systématiquement l’autre Communauté comme étant essentiellement composée de profiteurs ou d’égoïstes refusant toute forme de solidarité ou encore quand des ministres fédéraux s’avèrent incapables de s’exprimer correctement dans la langue d’une des principales Communautés.

Wallonie

Région d’Europe faisant partie de l’Etat belge, disposant d’institutions démocratiques propres depuis la seconde moitié du XXème siècle. Si l’adjectif wallon remonte à la nuit des temps et désigne les populations non germaniques et de langue romane de l’Europe du nord, le nom de Wallonie n’apparaît qu’au XIXème siècle. Progressivement, à cette époque émerge un mouvement wallon qui est à la fois culturel, social et démocratique. Son engagement croissant tout au long du XXème siècle aboutira à la naissance des institutions démocratiques actuelles marquées prioritairement par la préoccupation de redresser une économie wallonne touchée par le vieillissement de l’industrie traditionnelle qui avait fait d’elle une des premières régions économiques du monde au 19ème siècle et permis l’éclosion d’un mouvement d’émancipation de la classe ouvrière d’une très grande vitalité. Mais dès l’apparition de la Région wallonne, nombre d’intellectuels et de créateurs wallons insistèrent sur l’importance de la culture dans le projet wallon. En 1983, ils signaient le Manifeste pour la Culture wallonne dans lequel ils affirmaient leur conviction que « l’accession de la Wallonie à sa personnalité de peuple et à sa maturité politique n’aura pas lieu si un projet culturel ne va pas de pair avec le projet économique ». A l’époque, un certain nombre de critiques plus ou moins virulentes furent émises contre le Manifeste, l’accusant de favoriser un « repli identitaire » alors que les signataires revendiquaient expressément l’ouverture. « En tant que communauté simplement humaine, la Wallonie veut émerger dans une appropriation de soi qui sera ouverture au monde », concluait le texte.

Xénophobie

Hostilité à ce qui est étranger. Dimension souvent inhérente à tout nationalisme et principalement aux nationalismes qui se construisent sur l’identification à une ethnie, aux liens du sang, à la parenté. En Belgique, le nationalisme flamand est aussi soutenu par une extrême droite raciste et qui a fait de la lutte contre l’immigration son combat principal. Mais il serait totalement abusif de confondre l’ensemble du nationalisme flamand avec le racisme et la xénophobie. Depuis 2003, le pèlerinage de l’Yser a connu la sécession des organisations d’extrême droite qui se sont réunies au sein de l’Ijzerwake, une ASBL proche du parti Vlaams Belang.

Yoyo

Comme tous les processus historiques, les relations entre Régions et Communautés belges, l’évolution de l’Etat et des nationalismes, forment une succession de phases de flux et de reflux, de tensions plus ou moins grandes, de crises graves et d’apaisements. Cela monte et cela descend. Mais comme un yoyo dont on rate le rebond, le processus peut se détendre et la bobine se retrouver par terre au bout de sa ficelle. La relativisation à laquelle aboutirait une certaine méconnaissance de l’histoire de la Belgique peut conduire à ignorer la spécificité de la crise profonde que traverse le système politique belge depuis le 10 juin 2007. Certes, l’affaire Royale (1950), la crise de Louvain (1968), la Marche Blanche (1996) ont représenté des pics de tension dans l’encéphalogramme de la vie politique belge. La spécificité de la crise actuelle tient peut-être à la difficulté à identifier les ressources politiques susceptibles de la surmonter. Surmonter le différend communautaire nécessitera de l’imagination et surtout du courage, celui de sortir des sentiers battus et de tenter d’intégrer le point de vue de l’autre. Sans ce travail d’empathie et de dialogue ouvert, le différend ne se transformera jamais en projet positif pour la Belgique et les Régions qui la composent.

Zwanze (ou Swanze)

Terme issu du dialecte bruxellois qui désigne plus une attitude qu’un langage ou une manière de parler. Zwanzer revient notamment à tourner en dérision ceux qui se prennent au sérieux. Le Belge se targue souvent d’élever l’autodérision au niveau d’un art. Mais toute la question est de savoir où s’arrête le mépris de l’autre et ou commence l’auto-dérision.

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